Yann Paranthoën

photo : Michel Follorou

Le 28 février dernier, France Culture célébrait les vingt ans du décès de Yann Paranthoën.

Yann était un enfant de l’Ile Grande, il est né ici en Trégor, où il était revenu vivre une retraite active, tout entier investi dans son travail de prise de son, de création et montage sonore. Il aura malheureusement trop peu profité de sa “Maison Ronde” ile grandaise, parce que parti trop vite en laissant une œuvre inachevée.

Nous le croisions souvent ici ou là avec son Nagra et sa perche micro, toujours à glaner du son, c’était un homme calme et sympathique qui prenait volontiers le temps d’un café pour échanger, de son, d’écoute, de matière… C’était un homme touchant, totalement au service d’une mission qu’il s’était donnée et dont nous avons encore tant à apprendre. 

Artisan du son, il a laissé derrière lui des kilomètres de bandes sonores qu’il n’a pas eu la chance d’archiver lui-même. C’est Claude Giovannetti, réalisatrice à Radio France, la compagne, l’assistante, la partenaire de création, et surtout la co-réalisatrice qui, après sa mort, s’est chargée de rassembler toutes ses bandes stockées dans plusieurs placards de Radio France pour les confier à l’INA. Presque vingt ans après, c’est Bastien Lambert qui, avec la complicité de la fille de Yann, Gwenola Paranthoën, et le soutien administratif, logistique et financier du Logelloù, a fait le nécessaire pour que ces palettes chargées de son arrivent aux Archives départementales des Côtes-d’Armor.

Depuis maintenant six mois, une équipe de trois personnes – Bastien Lambert, Frank Lawrence et Guillaume Launay – se relaient pour numériser les archives de ce maître incontesté de l’art radiophonique. Il y a là une quantité considérable de rushs, des prises de son d’ambiance, d’interviews, de collectages, qui ont constitué la base des émissions que l’on connaît pour les avoir écoutées sur Radio France (On Nagra, Lulu, le phare des Roches Douvres…) mais il y a également des enregistrements que Yann faisait au fil de l’eau et qui n’ont pas tous été valorisés dans une émission. C’est simple, le Nagra, magnétophone fétiche, tournait tout le temps. Alors, la mémoire de l’ile Grande, une partie de celle du Trégor mais aussi de la France d’une époque, se trouve là entre nos mains.

Numériser les archives de Yann c’est, chaque semaine, exhumer des sons et des témoignages d’une rare qualité. C’est aussi entendre une langue oubliée, une langue française d’un autre temps ; c’est pouvoir écouter des gens qui ne vivaient ni ne pensaient comme nous. C’est porter à nos oreilles l’environnement sonore des années 1960 à 2000, écouter le quotidien de nos aïeuls et ce, dans des enregistrements d’une rare qualité, technique comme humaine.

Yann n’était pas seulement un preneur de son hors pair très inspiré, c’était aussi l’inventeur d’une manière de choisir, de couper et de monter les sons. Aujourd’hui, il est encore le maître pour toute personne qui aborde le montage sonore. Dans toutes les écoles de son et de radio, on parle de la “manière” de Yann Paranthoën.

Numériser les archives de Yann, c’est permettre à ces sons de rester viables et les transmettre à la postérité. Si la bande était un support de choix pour enregistrer un son magnifique, elle n’est pas toujours idéale pour la conservation. Et la numérisation va nous permettre de stocker l’œuvre sur plusieurs supports différents qui seront plus facilement manipulables. Enfin, le temps de la numérisation est aussi celui de l’indexation : inventorier, nommer et classer permettra à l’avenir, d’avoir une vue éclairée de l’œuvre de Yann Paranthoën.

Ce travail financé par le Logelloù, avec le soutien de nos élus locaux, de l’Europe (FEADER), de la DRAC Bretagne et du Département des Côtes d’Armor, se déroule dans le studio du Logelloù, à Penvenan. Un studio à la pointe pour la numérisation des bandes analogiques où l’historique Nagra IV-S 3328 siège au côté du TP1000, un magnétophone analogique à commandes numériques créé ici en Trégor, par Christophe Martinez (Analog Audio Design). 

On s’étonnera peut-être qu’aucun grand organisme n’ait commencé cette œuvre de numérisation plus tôt. Quoiqu’il en soit, le Logelloù remplit ici une mission de service public et s’attache à sauver l’œuvre d’un enfant du pays. Cela semble cohérent et s’inscrit dans une continuité puisque la grande salle du Logelloù depuis la réhabilitation du bâtiment en 2015, se nomme la Salle Paranthoën. 

Durant cette année, nous profiterons de cette période d’extraction pour vous faire écouter quelques émissions de Yann dans leurs versions courtes destinées à l’écoute en salle et nous organiserons également des séances d’écoute durant lesquelles vous pourrez entendre quelques pépites.

En attendant, et pour vous mettre l’eau à la bouche, vous pouvez écouter le cycle que vient de lui consacrer France Culture : 

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-yann-paranthoen-sculpteur-de-sons

  • Présentation Yann Paranthoën, sculpteur de sons 
  • la matière sonore avec Yann Paranthoën, dans l’atelier de la sculptrice Irene Zack
  • Le phare des Roches-Douvres 
  • Yann Paranthoën, tailleur de sons 
  • On Nagra, « il enregistrera »
  • Z comme zéphyr, le long des voies de chemin de fer entre la gare d’Austerlitz et la gare RER d’Ivry sur Seine 
  • Yann Paranthoën, la mémoire musicale du chasseur de sons 
  • La victoire de Bernard Hinault dans le Paris-Roubaix de 1981

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jeudi 6 mars 2025
Au moment de publier ce texte, nous apprenons, avec beaucoup d’émotion, le décès de Claude Giovanetti, en Corse, dimanche 2 mars. 

Claude était venue nous rencontrer au Logelloù l’an passé, afin de poursuivre soigneusement l’inventaire des bandes de Yann qui venaient d’être rapatriées vers les Archives départementales de Saint-Brieuc.

Aujourd’hui, c’est en redoublant d’ardeur que nous allons poursuivre le travail de numérisation et de valorisation pour honorer le travail et la mémoire de Yann, et de Claude. 

Claude Giovanetti ©Stéphane Manchematin

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A venir cette année :

Samedi 15 marsau Logelloù – écoute du Cri de la LPO – version courte, rencontre avec Bastien Lambert, coordinateur de l’équipe de numérisation des archives au Logelloù.
Samedi 12 juillet – 19h – Jardins de Gwenola Paranthoën à l’Ile Grande – écoute du Temps des Seigneurs, version courte, numérisée.
Novembre : Projection du Tailleur de sons de Thierry Compain dans le cadre du Mois du Doc et écoute d’extraits de Yann.
Commande 2025 passée à la créatrice radiophonique Annabelle Brouard d’une œuvre sur le thème des femmes de l’Ile Grande, qui s’appuiera sur des rushs récemment numérisés.
Projet Web radio et découverte de Yann Paranthoën au Collège Le Flem de Pleumeur-Bodou avec Annabelle Brouard et Bastien Lambert
Carte postale de Centuri de Bastien Lambert – Avec Claude Giovannetti, ils explorent les bandes magnétiques enregistrées par Yann Paranthoën entre 1987 à 2004 au Cap Corse.
Et d’autres choses encore…

Portrait de Bastien Lambert, dans la maison où a vécu Yann Paranthoën à Pleumeur-Bodou, à l’île Grande. ©Kevin-Guyot/Ouest-France
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